C'est sur un ancien site du groupe pharmaceutique Sanofi à Bagneux (Hauts-de-Seine), inoccupé depuis 2010, qu'est menée la première expérience de recyclage de grande envergure en France, sur un site de près d'un hectare, dont 27.000 m2 de surface de plancher.
Le promoteur Bouygues Immobilier va y construire d'ici 2019, 5.000 m2 de bureaux, 193 logements, une résidence étudiante de 190 places et 300 m2 de jardins partagés.
"Ce sont les grandes opérations qui financent l'innovation", affirme Franck Hélary, directeur général pour la métropole du Grand Paris chez Bouygues Immobilier, en faisant visiter le chantier où chaque type de déchet a été soigneusement collecté.
"Nous avons développé des méthodes originales de tri, au terme d'une concertation avec l'ensemble des acteurs qui ne travaillent pas forcément ensemble: le maître d'ouvrage, les bureaux d'étude et les entreprises de la filière de transformation et revalorisation des déchets, éco-organismes, associations", dit-il.
L'enjeu est de "faire naître dès l'amont une véritable filière de recyclage créatrice de valeur économique, d'autant plus importante que débutent les travaux du Grand Paris".
Quelque 360 tonnes de plâtre, 480 tonnes de bois, 384 tonnes de déchets industriels banals, 54 tonnes de ferraille et 4,3 tonnes de néons - mais aussi des moquettes, des sols en PVC, des extincteurs -, sont soigneusement entreposés sur le chantier. Sans oublier 80 tonnes de vitrages, qui seront recyclés par Saint-Gobain.
Des équipements de climatisation seront réutilisés, tandis que les paillasses du laboratoire, démontées et en très bon état, seront réutilisées dans des hôpitaux et des écoles en Afrique.
Le béton devient remblais
Le plâtre récupéré sera retransformé en plaques, tandis que le béton sera concassé sur le site, avant d'aller remblayer deux niveaux de sous-sol de la résidence étudiante.
Après une déconstruction avec des engins de chantier, 24 personnes pour la plupart en contrat d'insertion sociale, ont trié manuellement les matériaux qui doivent être propres et secs pour être recyclés, en particulier le verre.
Avec de vastes espaces pour entreposer les déchets et une faible présence d'amiante - elle fait bondir les coûts -, "ce chantier se prêtait à cette opération pilote", souligne Sébastien Fauchois, dont la société de conseil ACI accompagne pour la première fois un chantier de cette envergure.
La durée du recyclage et son coût devraient être absorbés - en évitant la mise en décharge, onéreuse - assure M. Hélary, mais le bilan sera fait au terme du chantier.
Aujourd'hui, seuls 35% à 40% des dix millions de tonnes annuelles de déchets de second oeuvre (c'est-à-dire issus de la partie non constitutive d'un bâtiment tels que le bois, la faïence, le PVC, le plâtre) sont valorisés en France, un taux qui demeure faible, comparé à l'objectif de 70% d'ici 2020 fixé par la loi sur la transition énergétique votée en 2015.
Alors que l'essentiel de ces déchets est aujourd'hui mis en décharge, il est possible à terme d'en valoriser "sans surcoût jusqu'à 80%", a estimé début mars le projet Démoclès, au terme d'une étude sur 19 chantiers.
Réunissant une quarantaine d'entreprises, organismes et administrations, il préconise de former tous les intervenants (maîtres d'ouvrage, architectes...) à la gestion des déchets et travaille à élaborer une boîte à outils, une cartographie des filières de valorisation et une base de données en ligne.
Pour encourager cette dynamique dans la capitale, le Conseil de Paris votera fin mars un "Plan d'action de la ville circulaire", prévoyant notamment de privilégier la réutilisation des terres de déblais et des gravats.
Mais il faudra avant tout convaincre les sceptiques. "Beaucoup de gens, chez les industriels, les démolisseurs, jugeaient ce projet impossible", rapporte M. Fauchois. "Pour eux, c'est une façon totalement nouvelle de travailler".